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Paganisme/ christianisation rites funéraires mérovingiens *
«Il paraît donc certain que le dépôt, à la mode germanique, de mobilier funéraire destiné à servir dans l'Au-delà, dut heurter les croyances des chrétiens. Et cependant, aucun canon de concile ne s'élève contre une pareille coutume » (1 .)
Le problème évoqué ici par Salin est un exemple type de «discontinuité » dans l'interprétation du passé qui est due aux différences de méthode et d'optique qui séparent l'archéologie et l'histoire (2). Il y a vingt-cinq ans, J. Werner émet¬ tait l'hypothèse que la «civilisation des tombes par rangées » (Reihengraberzivili -sation) de l'époque mérovingienne avait ses origines dans les coutumes funéraires élaborées par des groupes germaniques dans la Gaule du Nord au ive siècle (3). Malgré certaines critiques de détail (4), le bien-fondé de cette thèse paraît confirmé par les fouilles de Haillot et de Krefeld-Gellep (5), ainsi que par la récente synthèse de H. Boehme (6). Mais aux yeux de l'historien, habitué à voir précisément dans cette période la victoire du christianisme, il semble paradoxal que des pratiques funéraires élaborées dans un milieu «païen » aient pu demeurer en vigueur bien après la conversion de Clovis. Ainsi se dégage une double ligne de recherche : sur le terrain historique, l'exploration de l'idée du paganisme et des survivances païen¬ nes à l'époque mérovingienne et l'étude du contraste possible entre l'attitude, les pratiques «chrétiennes » face à la mort et les traditions antérieures. Nous ne pou¬ vons donner ici qu'un bref aperçu des conclusions de cet aspect de notre recherche. Quant à l'enquête archéologique, elle a pour but d'examiner en détail les «rites funéraires » du Bas-Empire et de l'époque mérovingienne, afin de voir si des pra-
* L'auteur tient à remercier vivement M. P. Périn qui a bien voulu lire le manuscrit et offrir d'utiles critiques. Il remercie aussi M.L. Renou et Mlle M. Del Giorgio qui ont aidé à faire les dessins, et Mme C. Young pour sa participation à la révision du texte.
(1) E. Salin, La Civilisation Mérovingienne (= C.M.) 4 vol., Paris, 1950-9, vol. II, p. 233.
(2) Voir la discussion d'A. Schnapp sur l'«Archéologie » dans Faire l'Histoire : nouvelles approches, Le Goff et P. Nola, éd., 2e partie (Paris, Gallimard, 1974).
(3) «Zur Entstehung der Reihengrâberzivilisation », Archaeologia Geographica (Hamburg), 1950-1, pp. 23-30.
(4) S. de Laet, J. Dhont, J. Nenquin, «Les Laeti du Namurois et l'origine de la civilisa¬ tion mérovingienne », Études d'Histoire et d' Archéologie Namuroise (Gembloux, 1952), pp. 149-72. Voir aussi K. Bôhner, «Zur Historischen Interpretation der Sogenannten Laetengrâber », Jahrbuch Rôm. -Germ. Zentralmuseum (Mainz) 10, 1963, pp. 139-161.
(5) Les références précises pour les sites sont groupées, en ordre alphabétique, dans l'annexe qui suit le texte (SITES).
(6) H. Boehme, Germanische Grabfunde des 4 bis 5 J ahrhunderts ,2 vol., Munich, 1974, pp. 166 sq.
